Comunità di Sant'Egidio - Napoli 2007 - Per un mondo senza violenza - Religioni e Culture in dialogo Comunità di Sant'Egidio - Napoli 2007 - Per un mondo senza violenza - Religioni e Culture in dialogo
 

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Comunit� di Sant'Egidio

22/10/2007 - 09:30 - Auditorium - Hotel Royal Continental
PANEL 1 - Une �me pour l�Europe

Bogdan Tataru-Cazaban
Conseiller d�Etat pour la Culture et les Affaires Religieuses, Roumanie

Qu�est-ce que c�est que l��me de l�Europe?

Depuis le plaidoyer de Jaques Delors pour une �me de l�Europe, on est appel�s � r�fl�chir de fa�on plus approfondie sur l�actualit� et le sens qu�on peut donner � cette m�taphore g�n�reuse. Si parler de l��me de l�Europe, c�est parler du r�le ou de la place des cultures et des religions dans la construction de la communaut� politique europ�enne, alors il est l�gitime de se demander pourquoi a-t-on choisi et m�me pr�serv� cette m�taphore tellement propre pour les croyants mais presque obsol�te pour ceux qui ne sont pas des croyants ? Comment comprendre cet appel � l��me qui, dans toute anthropologie traditionnelle, signifie le principe de l��tre, son lien avec le Cr�ateur ou le sceau de la transcendance dans sa cr�ature? Est-ce que l��me, en tant que culture et religion, est-elle aussi centrale dans la vie de l�Europe unie que supposent le sens du mot et son histoire?

Je pense qu�on peut l�accueillir dans notre travail de penser l�Europe comme une fid�lit� envers la vision inaugurale des P�res fondateurs. Eux, ils croyaient dans la capacit� des Europ�ens de trouver dans leurs exp�riences, dans leur histoire et dans leurs aspirations les raisons de vivre-ensemble et les �l�ments d�une conscience commune. Or, l��me dont nous parlons pourrait �tre le principe de ce vivre-ensemble, ou cette conscience d�appartenir � l�Europe ou bien de partager, en tant qu�Europ�ens, un patrimoine axiologique, une communaut� des valeurs sans lesquelles ce qu�on b�tit de mani�re solidaire s�av�rerait �tre fragile et inefficace.

Cela veut dire que l�appel pour une �me de l�Europe c�est d�abord une op�ration d�anamn�se. Il ne faut pas qu�on oublie cette �me, ce principe qui contient les ressources de d�passer ou de maintenir ensemble les dichotomies, les tensions du corps europ�en, les diff�rences irr�ductibles. En ce sens, l��me signifie les profondeurs de notre solidarit�, de notre action politique commune. En tant que symbole de la dimension culturelle et religieuse de l�Europe, elle repr�sente le principe m�me de l�unit� dans la diversit�. Car, la pluralit� des cultures et des religions en Europe contribue � fa�onner son identit� et � donner l�expression de sa singularit�, de son visage.

A travers l�histoire, l�Europe a produit par ses cultures des valeurs qui s�adressent � tous les hommes comme valeurs universelles qui d�passent ses fronti�res. Son �me porte ces valeurs, mais � ce ne sont pas ces valeurs elles-m�mes qui d�finissent le mieux sa personnalit� - et je cite le professeur Jean-Paul Willaime, sociologue qui a beaucoup r�fl�chi sur ce th�me - mais la mani�re dont elle se les est appropri�es au cours de l�histoire et dont elle continue � les faire vivre �. Si on parle donc de l��me de l�Europe, alors il ne faut pas �viter de parler de son histoire, de ses espoirs d�unit� et de l�exp�rience de sa diversit�. Reconna�tre et maintenir en dialogue cette pluralit� dans le cadre de quelques principes fondamentaux, c�est � pensons-nous, la r�v�rence oblig�e envers cette �me.

Vers une culture commune : m�moire et responsabilit�

Avoir une �me c�est, quoiqu�on le dise, avoir une m�moire, avoir des racines qui font partie de chaque �tre historique, avoir une m�moire comme � matrice de l�histoire �, selon l�expression de Paul Ric�ur. Pour que l�Europe se connaisse et se d�couvre elle-m�me, il faut reconna�tre la dimension religieuse de sa m�moire, une dimension qui n�a pas manqu� le dialogue m�me pendant les �poques les plus difficiles, si l�on pense au formidable �change intellectuel entre les repr�sentants des cultures monoth�istes au Moyen �ge. D�finir aujourd�hui en Europe un espace de rencontre et de dialogue religieux c�est aussi donner la parole � cette m�moire religieuse pour s�exprimer dans le cadre actuel comme une m�moire vivante, comme une m�moire cr�atrice et r�concili�e.

A c�t� de cette m�moire, l�Europe a une �me si elle manifeste la volont� d��couter les religions dans ce qu�elles peuvent contribuer au bien de la communaut� politique, dont les membres sont � dans des proportions diff�rentes, en fonction des soci�t�s � leurs membres.

La s�paration moderne du religieux et du politique - qui n�a pas �t� dans tous les cas dramatique et qui a abouti � pr�sent � � une s�cularisation amiable � - selon les mots de l�historien Ren� R�mond -, n�est pas incompatible avec la reconnaissance de la vocation des religions d��tre coresponsables pour le bien commun de la soci�t�.

L�, il ne s�agit pas seulement du partenariat avec les religions comme expressions durables des solidarit�s sociales,- et je ferais mention ici de la nouvelle loi des cultes roumaine qui �tablit de fa�on explicite un partenariat entre l�Etat et les cultes -, mais aussi de la capacit� des religions de r�habiliter, de faire rena�tre le sens du politique, le sens de l�appartenance � une communaut�, le sens du vivre-ensemble. Et j�en donnerai l�exemple des D�clarations du Conseil permanent de la Conf�rence des Ev�ques de France et des institutions protestantes de France, la derni�re intitul�e � Esp�rer toujours en la vie politique � (2002)

Entrer dans un espace dont les r�gles directrices sont accept�es par tous, signifie, pour chaque religion, int�grer dans la conscience qu�elle a d�elle-m�me l�exp�rience du fait qu�elle n�est pas seule, qu�elle n�est pas la seule religion ; cela signifie �galement, par rapport � une m�moire bless�e, pardonner et se faire pardonner ; mais, avant tout, cela signifie la disponibilit� de faire partie d�une culture commune et m�me d��difier cette culture commune dont la paix sera la clef de vo�te.

On peut aboutir � cette culture commune qui maintienne la richesse de la diversit�, on peut faire rencontrer la m�moire avec la coresponsabilit� de chaque religion pour le bien commun � travers l��ducation qui est la voie la plus directe et la plus efficace.

Confessionnelle ou non-confessionnelle, int�gr�e ou non dans le syst�me d�Etat, l��ducation religieuse se trouve au carrefour des traditions et de la morale publique. Elle rel�ve d�une tension r�elle, dans la modernit�, mais non moins f�conde, ayant comme t�che la pr�sentation de la foi et de ses expressions autrement que sous une forme priv�e de d�votion, sans r�le et sans impacte public.

Je dirais que la mission de l��ducation religieuse dans une Europe qui aspire � une culture commune en vertu de son �me, est celle de mettre l�accent � � partir de l�h�ritage des traditions - sur leur capacit� d��tre cr�atrices au pr�sent, d��tre contemporaines avec d�autres traditions, avec les diff�rences que chacune d�entre elles rencontre dans cet espace commun qu�est l�Europe.

Certes, une civilisation de la paix, un des r�ves europ�ens, ne peut �tre b�tie sans le dialogue des cultures et des religions. Mais l�enjeu de ce dialogue ne peut �tre atteint sans que chaque tradition religieuse assume en elle�m�me la t�che de penser la diff�rence et de la respecter en consid�rant l��lan spirituel pr�sent dans chaque religion afin de guider l�homme vers son accomplissement.

En guise de conclusion, j�essaierai d��tre explicitement augustinien � sans ignorer par cela l�h�ritage byzantin � en sugg�rant que l��me de l�Europe comporte aussi bine la m�moire des traditions et la volont� de vivre�ensemble que l�intelligence que Dieu veut toujours mettre � l��uvre lorsqu�il s�adresse � l�homme.

Je vous remercie.