« C'est une extermination systématique. » Le ministre italien de la coopération internationale ne s'embarrasse pas de circonlocutions pour lancer un cri d'alarme à propos du Nigeria. Pas question d'attendre, sans réagir, dimanche après dimanche, le décompte des victimes causées par des attentats visant des églises chrétiennes dans le nord du pays. Le ministre, Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant'Egidio engagée sur le plan international dans de nombreuses opérations de médiation, exprime son inquiétude dans le quotidien italien La Repubblica. Les violences, le 17 juin, contre trois églises, catholiques et évangélique, ont fait de nombreux morts : parmi les fidèles chrétiens et les forces de l'ordre, mais aussi parmi les musulmans tués en représailles par de jeunes chrétiens en colère. Dernier bilan : plus de 50 morts et 150 blessés.
C'est le groupe islamiste Boko Haram qui a revendiqué les actions-suicides, afin de prouver que la répression menée contre lui par le gouvernement nigérian ne l'empêche pas de nuire : « Allah nous a donné la victoire dans les attaques lancées contre des églises de Kaduna et Zaria », a déclaré dans un communiqué le porte-parole du groupe. Le dimanche précédent, c'étaient deux églises du centre et du nord-est du pays qui avaient été visées. Et ainsi de suite, en remontant le temps… Boko Haram poursuit une politique de terreur depuis 2009, avec à son actif quelque 1 000 victimes, s'en prenant aux forces de sécurité, aux responsables gouvernementaux et aux communautés chrétiennes.
« La stratégie perverse de Boko Haram est de provoquer une guerre civile », analyse Andrea Riccardi. Mission sur le point d'être accomplie, tandis que de jeunes chrétiens, malgré les efforts des divers responsables religieux pour éviter l'escalade de l'horreur, se retournent avec violence contre leurs assaillants, et leurs voisins musulmans, provoquant à leur tour de nombreuses souffrances qui déclenchent ensuite la « riposte » des islamistes. Ainsi Boko Haram parvient-il à ses fins, déchire cet État africain très peuplé, puissant et fragile, en excitant les haines ethniques, sociales autant que religieuses. Au risque de déstabilisations en chaîne.