PLOQUIN Jean-Christophe
Le président d'honneur de la Communauté de Sant'Egidio est ministre de la coopération et de l'intégration du gouvernement de Mario Monti. Une mission durant laquelle il entend relancer la présence de l'Italie en Afrique.
Par la fenêtre de son hôtel, Andrea Riccardi jette un coup d'œil à l'immeuble de la Maison des sciences de l'homme, boulevard Raspail, à Paris. Une seconde de nostalgie : le fondateur de la communauté de Sant'Egidio y fut étudiant durant ses vertes années. Aujourd'hui, sexagénaire à la barbe grisonnante, c'est comme ministre qu'il passe – en coup de vent. Le temps d'une rencontre avec son homologue français, Henri de Raincourt, et d'une discrète visite au cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris. Sans formalité, il reçoit dans sa chambre d'hôtel et fait remarquer que celle-ci n'a rien d'une suite de luxe. Une preuve que l'austérité est de mise dans le gouvernement italien en place depuis novembre dernier.
« Cette fois, il faut y aller » : Andrea Riccardi a peu hésité avant de répondre à la sollicitation de Mario Monti, le nouveau président du conseil, nommé après la démission de Silvio Berlusconi, alors que la crise de la dette semblait sur le point d'emporter l'Italie. « J'ai jugé que c'était un moment dramatique, unique, donc plein d'opportunités », explique-t-il aujourd'hui. Mario Monti lui a confié un portefeuille inédit en Italie, celui de la coopération et de l'intégration. « Je ne suis pas un technicien mais j'ai une expérience humaine de l'Afrique et de l'immigration, précise-t-il. Je me suis mis au service du pays comme on effectue un service militaire, pour un an et demi, » d'ici aux prochaines élections.
Andrea Riccardi bénéficie d'une expérience intime des dossiers qui lui ont été confiés. Mouvement catholique fondé en 1968 à Rome, la communauté de Sant'Egidio est très active en Italie dans la lutte contre la pauvreté, l'éducation dans les quartiers populaires, l'accompagnement des communautés nomades. En Afrique, elle a mené de nombreuses missions de médiation au Mozambique, en Afrique centrale ou en Algérie. Le mouvement revendique 60 000 membres – présents dans plus de 70 pays – dont 20 000 en Afrique.
Ce continent sera au centre de ses préoccupations. Alors que les précédents gouvernements ne regardaient pas au-delà du Maghreb, uniquement soucieux de grands contrats économiques et de gestion des flux migratoires, lui se préoccupe du Sahel et pense en termes d'éducation, de santé publique, d'état civil, de réconciliation nationale. « Il faut sortir d'une gestion court termiste. L'Italie doit le faire par humanisme mais aussi par intérêt national. Beaucoup de ces États n'ont guère plus de cinquante ans. Il faut les aider à se structurer. Les entreprises italiennes aussi doivent davantage s'intéresser au continent. »
Avec Sant'Egidio, Andrea Riccardi a suffisamment fréquenté les princes de ce monde, leurs éminences grises et leurs conseillers spéciaux, pour ne pas préjuger de ses capacités d'action. « Je ne crois pas au pouvoir absolu de la politique, reconnaît-il. Mais, au service de l'État, on a un pouvoir : celui de mettre ensemble des partenaires, de faire rencontrer des parties opposées. Il nous faudra agir avec doigté et intelligence. » En Italie, le débat sur l'intégration est tendu par le discours virulent du parti de la Ligue du nord contre les immigrés.
Figure du catholicisme en Italie, le président d'honneur de Sant'Egidio fait partie d'un gouvernement qui compte de nombreuses personnalités proches de l'Église. « Je n'abandonne pas mon identité chrétienne en me mettant au service du gouvernement, souligne-t-il. Ma vie spirituelle continue ». Un mois avant la démission de Silvio Berlusconi, il avait participé à un séminaire à Todi (Ombrie) durant lequel des associations catholiques avaient demandé de « purifier l'atmosphère de l'Italie » berlusconienne. Mario Monti, lui-même, assiste à la messe tous les dimanches. « Ce gouvernement compte plusieurs personnalités chrétiennes, mais nous ne formons pas un groupe catholique », assure Andrea Riccardi. Mercredi dernier, la présidence du conseil a d'ailleurs annoncé son intention de présenter un amendement au parlement pour faire payer la taxe foncière à l'Église italienne pour ses bâtiments exploités à des fins commerciales.
Bayard Presse