Un nouvel œcuménisme pour vaincre la terreur
En frappant les coptes d’Egypte, ISIS a frappé les chrétiens dans le monde, en un jour sacré pour les catholiques, les orthodoxes et les protestants. Le prochain voyage du pape Bergoglio est l’occasion de relancer ce qui unit.
par Andrea Riccardi
Le dimanche des Rameaux a été une journée sanglante pour les chrétiens égyptiens : une bombe a explosé dans l’église copte de la grande ville de Tanta et, aussitôt après, un attentat suicide a eu lieu devant la cathédrale Saint-Marc d’Alexandrie. Daech (Isis) est cruel et attentif aux symboles. En frappant les Egyptiens coptes, il confirme sa guerre contre les chrétiens dans le monde. C’était déjà le terrible message des 21 ouvriers coptes égorgés en Libye, en 2015, sur les rives de la Méditerranée. À grands renforts d’effets de mise en scène impressionnants, on envoyait un message aux « croisés coptes » et aux chrétiens du Nord. L’Eglise copte les a proclamés martyrs. Les attaques d’hier sont survenues le jour où les catholiques, les orthodoxes de toute tradition et les protestants célèbrent l’entrée dans la Semaine Sainte : une date fortement symbolique pour l’ensemble du monde chrétien. Cette année, de manière fortuite, les différents calendriers font coïncider Pâques. Il n’y a pas cet élément embarrassant qui fait que les diverses Eglises la célèbrent à des dimanches distincts.
Depuis 2013, il y a eu au moins 40 agressions contre les coptes de la part de musulmans, les dernières ayant eu lieu dans la cathédrale du Caire et dans le Sinaï. Les tensions islamo-chrétiennes caractérisent l’histoire récente de l’Egypte, notamment avec les enlèvements, les conversions et les mariages forcés de femmes chrétiennes. Mais Daech élève à présent le tir et en fait un acte de « guerre » : il choisit la date symbolique, à laquelle les coptes célèbrent la « procession de la croix glorieuse », qui correspond, cette année, au dimanche des Rameaux pour tous les chrétiens. Daesh frappe la cathédrale Saint-Marc à Alexandrie, siège du patriarche copte, le pape Tawadros qui, par chance, l’avait quitté récemment. Daech connaît bien les coutumes chrétiennes. A travers ces attentats, il se porte candidat pour le leadership mondial des musulmans sunnites non seulement contre l’Occident, mais contre les chrétiens en général. Or de nombreux musulmans égyptiens ont fait part de leur horreur devant l’assassinat de personnes sans défense et en prière, tandis que le grand imam de Al Azhar Al Tayyeb a aussitôt condamné les faits.
Les coptes constituent une cible facile pour les terroristes : ils vivent avec leurs concitoyens musulmans. Ils forment la plus grande communauté chrétienne dans le monde arabe, environ dix millions de personnes. Les chercheurs se sont interrogés sur les raisons de leur survivance malgré la dure pression séculaire de l’islam, alors même que les chrétiens ont disparu dans l’Afrique du Nord voisine et que leur nombre s’est considérablement réduit au Moyen-Orient. Les coptes (le terme rappelle leur origine égyptienne) ont été des siècles durant la catégorie la plus pauvre, souvent reléguée dans des zones marginales, mais fidèles à la foi chrétienne, proches des monastères. Jamais, face aux musulmans, ils ne se sont défendus par la force : les croisades ne font pas partie de leur histoire ; aussi, les définir par « croisé » comme le fait Daech est absurde.
La « renaissance copte » s’est réalisée grâce à l’élévation du niveau d’étude (une aristocratie copte a toujours existé, comme la famille de l’ancien secrétaire général de l’ONU, Butros Ghali) et surtout à travers un vaste mouvement religieux d’instruction et de participation à la vie communautaire, qui a touché le peuple par capillarité. On le voit dans les églises égyptiennes, où souvent les coptes ont l’Evangile en main et participent activement aux rites. Les moines constituent le nerf de cette renaissance. Souvent fort cultivés, ils ont reconstruit les anciens monastères délabrés et désertés. Ils ont été l’âme de la renaissance de l’identité religieuse et populaire copte, qui s’est exprimée dans la revendication de l’égalité des droits avec les musulmans et de dépassement de leur condition d’humiliation. Les trois derniers patriarches, réformateurs et guides spirituels de la Communauté, sont liés à ce mouvement. L’avant-dernier, le pape Chenouda, a guidé l’Eglise avec force, protestant contre le gouvernement pour les violences et les limitations subies : ce qui causa sa relégation dans un monastère du désert à l’époque du président Sadat.
L’actuel patriarche soutient le président Al Sisi, de la même manière que le grand imam de Al Azhar. Il y a eu plusieurs menaces à l’encontre de Tawadros. C’est une figure œcuménique : sa venue à Rome en 2013 pour rencontrer le pape François nouvellement élu a marqué un tournant dans les rapports difficiles entre le Vatican et Chenouda. Il a proposé au pape l’unification de la date pour la célébration de Pâques entre tous les chrétiens. Entre le pape de Rome et le pape égyptien une relation intense s’est créée, qui rend François sensible à la dure condition des coptes. Bergoglio vit l’œcuménisme de manière personnelle par l’amitié. Sa prochaine visite en Egypte en est l’expression, même si celle-ci ne va pas sans présenter certains risques. Elle est néanmoins confirmée, plus encore les attentats la motivent davantage. Au vu de tous ces événements, il faut se demander si les motifs historiques et théologiques (qui justifient la division entre les Eglises) ne perdent pas leur force aujourd’hui devant la persécution qui concerne tous les chrétiens et les nouvelles proximités qui se créent entre eux. La visite de François en Egypte est l’expression d’une intense solidarité, mais aussi un pas vers un nouvel œcuménisme.
Il Corriere della Sera
9 avril 2017 (modifié le 9 avril 2017 | 22:06)
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