Pour la quatrième année consécutive, l’été de solidarité organisé par la Communauté de Sant’Egidio s’est déroulé à l’hôpital « Sadik Dinci » de la ville d’Elbasan, la plus grosse structure psychiatrique de toute l’Albanie, qui accueille aujourd’hui quelque 280 patients.
D’année en année, les activités proposées se sont multipliées, surtout grâce à la collaboration précieuse de nombreux amis qui vivent et travaillent à Elbasan.
Outre les ateliers de menuiserie et de peinture, lancés l’année dernière déjà, cette année deux nouveaux laboratoires ont été organisés : l’atelier de cuisine et l’atelier de petit artisanat.
Mais la grande nouveauté concerne l’atelier de peinture, qui a vu la participation du célèbre peintre albanais de Pogradec, Anastas (Taso) Kostandini. Ce dernier a animé un très beau cours théorique et pratique sur les techniques de peinture et sur l’utilisation des couleurs, qui s’intitulait de manière significative : « Les couleurs veulent dire liberté ».
La présence d’un artiste aussi qualifié a ouvert la possibilité de réaliser à l’avenir des expositions avec les œuvres conçues par les patients de l’hôpital psychiatrique.
Sièges des ateliers, les maisons des sœurs Basiliennes Filles de S. Macrina et de S.Giovanna Antida, ont été dès le premier jour des lieux accueillants pour les amis qui vivent à l’hôpital. Ces derniers, qui pour beaucoup n’ont plus de maison depuis des années, s’y sont senti comme chez eux, assurés de retrouver chaque jour quelqu’un qui les attend avec affection.
Un climat familier s’est en effet aussitôt créé, rempli d’affection et d’attention aux besoins et aux histoires de nombreux amis.
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L’histoire de Mariana, une jeune tsigane bientôt trentenaire, en présente un exemple. Ses parents l’ont abandonnée alors elle n’était encore qu’un bébé. Elle a grandi dans un orphelinat jusqu’à l’âge de 16 ans, quand, du fait d’un léger retard, elle a été placée à l’hôpital psychiatrique. Depuis lors, elle n’a jamais voulu en sortir, pas même pour quelques heures. L’équipe de l’hôpital, désormais résignée, a toutefois tenté de lui proposer de participer à nos formations, quasiment certaine d’essuyer une réponse négative. Or, Mariana a stupéfait tout le monde : non seulement elle n’a manqué aucune leçon, mais elle était même la première à arriver et la dernière à vouloir s’en aller de la maison! Et chaque jour, elle posait la même question : « Puis-je venir demain aussi ? ». Son sourire et sa gaieté ont vraiment surpris tout le monde !
A la fin de la formation proposée aux malades, une attestation de participation leur a été délivrée. Ce document sera versé au dossier contenant les papiers destinés à favoriser leur insertion future dans le monde du travail une fois leur hospitalisation terminée.
Mercredi après-midi, comme tous les mois, une prière pour les malades très touchante s’est déroulée dans l’église catholique byzantine Shen Pjetri (Saint Pierre), à côté de la maison des sœurs basiliennes. Ce rendez-vous mensuel est devenu désormais une tradition attendue par beaucoup de malades et d’autres personnes d’ Elbasan qui trouvent ici la possibilité d’évoquer dans la prière les noms de leurs amis et de leurs proches malades.
La semaine s’est conclue par une grande fête sur le thème : « A bas le gris! », qui s’est déroulée sous le patronage de la Ville et de la communauté catholique d’Elbasan sur la place principale de la ville. Y ont participé des représentants de la Nonciature apostolique, de l’Église catholique locale, de l’hôpital, de l’OMS. L’intervention du peintre Anastas (Taso) Kostandini a permis d’introduire l’exposition d’art. L’artiste a repris le thème de la beauté d’un « monde en couleurs, libre et bigarré, respectueux des diversités et des richesses individuelles ».
Les malades ont exposé et vendu leurs tableaux et objets faits main avec grande fierté.
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Le tout s’est terminé par des chants et des danses populaires et par un rafraîchissement abondant préparé par les participants au cours de cuisine de Sœur Gertrude.
La fête sur la place a été un événement vraiment spécial. Il s’agissait en effet de la première manifestation publique en ville à laquelle les malades de l’hôpital psychiatrique prenaient part. Les malades, « invisibles » pour les habitants d’Elbasan, ont été les acteurs d’un événement citoyen qui leur a permis faire à nouveau partie du tissu humain de la ville.
Cette semaine a apporté une réponse efficace et forte au désespoir et à la résignation provoqués par la maladie, la solitude et la ségrégation de beaucoup de personnes. C’est un signe fort de libération du mal.
Vraiment, nous avons vu se réaliser les paroles de Jésus : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! » (Lc 7, 22-23)
L’École de la Paix à Berat
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« Cette année aussi, l’école de la Paix à Berat a travaillé sur le thème l’alliance entre les générations. Les enfants 10-12 ans ont rencontré Bardhok, un vieux monsieur de 75 ans, pour renouveler l’amitié entre jeunes et âgés.
Bardhok a raconté comment, petit, dans un village du nord, il a vu arriver d’abord les soldats italiens puis l’armée allemande, et aussi comment on vivait et travaillait sous le régime communiste, montrant aux enfants la grande valeur de la paix et de la liberté, souvent considérée comme allant de soi.
« Les personnes âgées n’ont pas toujours été bien traitées ici, a dit Bardhok, mais vous, vous m’avez écouté avec patience et attention, et cela est le signe que l’on peut être plus proches. Traitez bien les personnes âgées car vous serez vous aussi âgés et vous voudrez justement du respect ».
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L’École de la Paix à Pogradec
Une amitié fidèle, qui continue. Cela fait trois ans que les Communautés de République tchèque, et cette année aussi de Slovaquie, vivent un été de solidarité à Pogradec.
Cette année également, on a continué l’école de la paix, où pendant une semaine 70 enfants ont travaillé et joué ensemble : des enfants tsiganes et albanais provenant d’un quartier très pauvre de la ville.
Le thème fédérateur qui a accompagné ces journées et qui a uni tous les participants était l’amitié avec les personnes âgées. Les grands-parents de différents enfants, sans barrières d’ethnie, étaient présents à la fête finale.
Pour les enfants tsiganes, les journées se sont conclues par un repas nourrissant pris en commun : un vrai repas, soigné, bien préparé, pensé pour eux.
Les après-midis étaient consacrées à la belle amitié, désormais historique, avec les familles tsiganes (environ 60 personnes), qui vivent aujourd’hui encore dans une ancienne caserne abandonnée, dans des conditions très précaires. C‘est pourquoi, les paquets cadeaux de vêtements, de matériel pour la maison et de jouets, collectés en Tchéquie et en Slovaquie, ont été très appréciés. Aux femmes du campement a été proposée aussi une catéchèse, où l’on a parlé de Jésus comme d’un enfant pauvre et migrant, proche de leur vie. Tous ont ensuite participé dans l’ancienne caserne à une prière pour les malades. Une des femmes plus âgées a exprimé les sentiments de tous, adultes et enfants : « quand vous êtes là, la joie et l’amitié nous font revivre, et nous ne mourons plus écrasés sous le poids de nos problèmes ».
Ces paroles sont pour nous un engagement à la fidélité. Elles nous invitent à continuer de travailler pendant l’année aussi dans nos pays. En ce temps où nos sociétés d’Europe centrale et orientale font l’expérience d’expressions violentes d’anti-gitanisme, nous ressentons plus fortement la responsabilité de ne pas les oublier.
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