Saint Père,
Très chers amis, c’est un grand honneur et une joie d’être ici au milieu de vous. Je suis très reconnaissant envers le pape François de m’avoir donné l’opportunité de partager, avec vous tous, les douleurs et les espérances des chrétiens du Pakistan.
Dans mon pays, les chrétiens constituent une petite minorité, très pauvre. La foi en Jésus, l’amour pour l’Évangile, l’unité avec notre mère Église, sont notre seule richesse. Nous subissons très souvent des discriminations, et même des violences, comme cela est arrivé récemment à Lahore, où une centaine de maisons d’un quartier chrétien ont été livrées aux flammes, au prétexte de la loi sur le blasphème. Une loi que d’aucuns utilisent souvent à des fins personnelles. Or, en tant que disciples de Jésus, nous voulons être des hommes de paix, en dialogue avec nos frères musulmans et d’autres religions. Nous voulons témoigner par l’amour et la miséricorde notre foi en Jésus.
Tel a été le témoignage de mon plus jeune frère, Shahbaz Bhatti, qui a fait don de toute sa vie à l’Évangile. Il a été tué par des extrémistes à l’âge de 43 ans.
Shahbaz commença sa mission parmi les pauvres et les personnes marginalisées en allant à l’école de notre village natal, Khushpur. Un Vendredi Saint, face à la croix de Jésus, il se sentit appelé – ce sont ses mots - à « correspondre à son amour en donnant de l’amour à nos frères et sœurs, en me plaçant au service des chrétiens, spécialement des pauvres, des nécessiteux et des persécutés qui vivent dans ce pays ».
Ainsi, durant toute sa vie, malgré l’adversité et les menaces, il a été fidèle à sa mission d’être proche des pauvres, de témoigner l’amour de Jésus, en travaillant pour que, dans la société divisée et violente du Pakistan, s’affermissent l’amour et la capacité de vivre ensemble. Les nécessiteux, les pauvres, les orphelins, disait-il, « constituent la partie persécutée et nécessiteuse du corps du Christ ».
Il a rêvé un Pakistan sans discriminations et pacifique, où les fidèles de toutes les confessions puissent jouir des mêmes droits, de la liberté religieuse et de l’égalité des chances pour le progrès du pays.
Quand il est devenu Ministre fédéral pour les minorités, il a travaillé à l’affermissement de l’harmonie, de la tolérance et de l’égalité dans une société libre. Il n’a jamais cessé d’être avec les pauvres. Lorsque le Pakistan a été touché par les inondations et les tremblements de terre, Shahbaz était là, proche de ceux qui souffraient.
Nous lui demandions d’être prudent, dans la mesure où sa vie était en grave danger, mais il souriait en disant : « Je me suis placé dans les mains de Jésus et lui me protégera ».
Sa foi était nourrie de la prière et de la lecture constante de l’Évangile. Tous les matins, avant de sortir de chez lui, Shahbaz restait seul en prière, pendant au moins une demi-heure, avec sa bible.
Aujourd’hui, cette bible, une véritable relique, est conservée ici à Rome, dans la basilique Saint-Barthélemy, mémorial des nouveaux martyrs de notre temps, confiée à mes amis de la Communauté de Sant’Egidio, à qui je suis très reconnaissant. Les chrétiens au Pakistan sont heureux que sa bible se trouve ici à Rome, aux côtés de la mémoire de tant de nouveaux martyrs et des apôtres Pierre et Paul.
Shahbaz Bhatti a rendu témoignage à Jésus Christ par son sang. Or, sa vie et sa foi ont porté du fruit. J’ai vu, après sa mort, combien de personnes l’aimaient : les chrétiens, qui avaient trouvé en lui une protection, une voix forte. Mais aussi les très nombreux musulmans (gens du peuple, personnes cultivées, imans des mosquées), les hindous et les sikhs pleuraient et parlaient de lui en disant qu’il était un homme de paix, un homme de Dieu. Sa grande foi a dépassé les montagnes de division si élevées dans mon pays. Et elle a semé un amour plus haut que ces montagnes.
Ses gestes et ses paroles ont donné courage aux chrétiens pakistanais. Moi, qui vivais alors loin, je suis retourné dans mon pays pour continuer sa mission en faveur de la promotion de l’harmonie interreligieuse, de l’éducation et du développement des communautés pauvres et marginalisées.
Comme moi, de nombreux hommes et de nombreuses femmes de bonne volonté ont recueilli son témoignage. Aujourd’hui, au Pakistan, nous chrétiens, nous sommes moins seuls. Après les violences d’il y a quelques mois, nous avons reçu les témoignages de solidarité d’autres communautés religieuses : celles avec lesquelles Shahbaz avait ouvert un dialogue.
Je voudrais vous demander, Saint Père, vos prières et votre soutien afin que nous puissions poursuivre la mission de Shahbaz et être un puissant témoignage du Christ, en apportant l’espérance et la paix, afin que tous soient respectés et aimés. Vraiment, être chrétien change la vie d’un peuple !
Saint Père, je garde toujours dans le cœur les paroles que vous avez prononcées le Jeudi Saint « ne vous laissez pas voler l’espérance ». Et je voudrais vous dire que, nous, chrétiens du Pakistan, nous ne permettrons pas que les épreuves et les difficultés volent notre espérance, qui est fondée sur l’amour de Jésus et sur la foi des martyrs, mais nous continuerons à témoigner l’Évangile de la douceur, du dialogue, de l’amour pour les ennemis, de la tendresse. Telle est notre foi et c’est pour cette foi que nous voulons vivre et, s’il le faut, même mourir. Comme Shahbaz.
Chers amis, je vous demande à vous tous, du plus profond de mon cœur, votre proximité dans la communion et dans la prière avec nous chrétiens et avec tout le peuple du Pakistan : cela nous donne de la force et nous libère de la peur. Que Dieu apporte la paix à notre pays et protège tous les hommes qui sont sujets à la violence et aux discriminations à cause de leur foi.
Ne nous oubliez pas !
Merci ! |