Fondateur de la Communauté de Sant’Egidio
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Illustres Représentants des Eglises chrétiennes et des Religions mondiales,
Monsieur le Maire,
Chers amis,
Domenico Quirico a témoigné l’horreur du terrorisme religieux : on torture l’homme à l’image de Dieu et puis on va prier Dieu. Le terrorisme religieux représente un drame de notre époque : c’est la perversion de ce qu’il y a de plus précieux : le nom de Dieu. Pourquoi cette perversion existe-t-elle ?
Peut-être que l’autoréférentialité de mondes, globalisés entre eux, est délirante. Elle a d’abord pris l’allure du mépris pour l’autre, puis de la haine, jusqu’à la terreur et la guerre contre l’homme. Cela impose une nouvelles responsabilité des religions – toutes !- de se libérer des cloisons autoréférentielles et d’éduquer à la vie avec l’autre avec amour et dans la paix. Jamais sans l’autre ! le Pape François l’a dit hier aux leaders religieux avec beaucoup de force : « Chacun d’entre nous est appelé à être un artisan de la paix, en unissant et non pas en divisant, en supprimant la haine et non pas en la conservant, en ouvrant les voies du dialogue et non pas en érigeant de nouveaux murs ! ».
La situation actuelle du monde globalisé impose une nouvelle responsabilité. Celle d’opposer doucement et fermement au terrorisme religieux et aux séductions de la violence la paix des religions. L’image que nous formons ce soir au Capitole est un message de paix qui va beaucoup plus loin de ce que nous imaginons. Nous ne nous côtoyons pas de manière superficielle, car c’est la prière et le dialogue de ces journées vécues à Rome qui nous unissent. Nous venons de la prière qui s’est déroulée dans des lieux différents, mais proches les uns des autres.
Le besoin incombe – comme le rêvait Jean-Paul II – d’un plus grand mouvement de paix, à notre époque où beaucoup, trop nombreux désertent les frontières de la paix, repliés sur les faits quotidiens, lointains et impassibles, parce qu’ils sont concentrés sur eux-mêmes. N’est pas la tâche des religions, qui portent dans leur cœur le message de la paix ? Un grand mouvement de paix…
La paix n’est pas une formule prêchée, mais une dimension qui part de soi. Les religions nous l’enseignent. Un grand spirituel russe, Séraphin de Sarov, enseignait : « Gagne l’esprit de paix en toi et des milliers autour de toi trouveront le salut ». Peut-être que la carence d’un esprit de paix en nous a donné libre cours à un monde d’indifférence. On ne change pas le monde si l’on ne change pas soi-même. C’est la voie des religions !
Chers amis,
Ce ne sont pas des paroles vaines. C’est ainsi qu’elles sont considérées dans une société où –comme l’a dit le pape François – « l’égoïsme a augmenté et l’amour pour les autres a diminué ». Nous le voyons sur la triste scène de la politique, qui a véritablement perdu un rapport authentique avec les sources de l’humanisme spirituel et laïque. Nous le voyons dans notre incapacité à faire face aux défis de la vie quotidienne, égarés dans le théâtre de ce monde, alors que les défis terribles du monde sont négligés, car on ne leur fait pas de place. Nous nous cramponnons pitoyablement aux dernières nouvelles, aux surprises qui ne surprennent pas. Je ne le dis pas avec mépris, mais avec douleur. Personne n’est supérieur à la misère de la vie quotidienne, mais nous ne devons pas pour autant en être prisonniers. Mais nous ne sommes pas pessimistes. Loin de là. Le pessimisme et la résignation signifient souvent céder à la misère ou au mal. Il y a besoin d’une révolte de l’esprit !
Victimes de la rapidité des communications ou des contacts passagers, nous avons perdu la grande dimension de l’écoute et de la rencontre : à laquelle les religions nous ramènent à travers la valeur du silence. L’écoute fait naître l’intérêt pour la vie de l’autre et devient de la compassion. L’écoute lie à l’autre et à ses sentiments profonds. La compassion suture les tissus humains en lambeaux. L’écoute n’est pas la passivité. Du dialogue et de l’écoute de ces journées, jaillit avec force la volonté d’une révolte de l’espérance.
Une révolte qui n’accuse personne, mais qui n’est pas la soumission à la mentalité courante appauvrie, comme cela se vérifie dans beaucoup de pays du monde, qui sont en train de perdre l’espérance. Mais l’espérance n’est pas perdue : on la retrouve au fond du puits de l’esprit, d’une vie vécue dans la paix du cœur.
La souffrance pour les autres, pour notre propre pays, pour les souffrances du monde, est féconde : elle fait jaillir une question, une prière, l’exigence d’agir, l’espérance. Souffrir avec les autres engendre l’espérance et l’envie d’avenir. Nous avons écouté Alganesh Fessaha, qui nous parlait du drame des réfugiés érythréens : un monde sans humanité au Sinaï peut se peupler de solidarité. Sur l’arbre de la compassion naît l’espérance et l’envie de changer.
Une révolte de l’esprit est un travail patient que les croyants peuvent accomplir chaque jour, pour que l’espérance renaisse. |