Cyprien Viet - publié le 02/08/2012
Dix groupes d’opposition ont signé le 26 juillet un appel à une solution pacifique, sous l’égide d’un mouvement catholique engagé dans la résolution des conflits.
Corps de coordination nationale, Bloc national, Groupe démocratique islamique, Assemblée du Kurdistan-Ouest… L’attelage est hétéroclite mais marque peut-être les prémices d’un futur gouvernement syrien. Réunis à Rome au siège de Sant’Egidio, les représentants de dix partis d’opposition ont lancé un appel conjoint à une solution politique négociée pour mettre un terme à la guerre civile. Alors que la situation semble catastrophique sur le terrain et que le cap des 20 000 morts a largement été dépassé, ces acteurs de la dissidence syrienne de l’intérieur veulent préparer une sortie de crise par le dialogue national.
Pour Mario Giro, responsable des relations internationales de Sant’Egidio, l’urgence est de bâtir un consensus entre ces différents acteurs de l’opposition interne. « La Syrie est un pays très fragile, et nous voulons éviter son éclatement régional ou confessionnel. C’est pourquoi nous tenons à impliquer les représentants des différentes communautés. Il faut aussi créer des liens entre ces opposants internes, impliqués dans le pays, et le Conseil national syrien (CNS), qui représente plutôt la diaspora. Lié aux combattants de l’Armée syrienne libre, le CNS contient certains éléments islamistes, moins présents parmi les Syriens de l’intérieur. Mais il faut absolument trouver une synthèse entre ces tendances, pour aller au-delà du conflit actuel. » Et surtout éviter qu’une nouvelle guerre civile n’éclate après un renversement de Bachar el-Assad… Impliqués au Liban depuis 1982, les membres de Sant’Egidio savent que le risque de chaos est réel dans la région et que les ponts sont perpétuellement à reconstruire.
Sans pour autant court-circuiter les relais officiels, l’action de Sant’Egidio peut amener à une approche complémentaire de celle des États. « Les membres de Sant’Egidio n’agissent pas en francs-tireurs, mais en plein accord avec le Vatican, l’Onu, mais aussi l’État italien, d’autant plus depuis l’entrée au gouvernement de leur fondateur, Andrea Riccardi », estime François Mabille, professeur de relations internationales à l’Institut catholique de Lille et chercheur au groupe Sociétés, religions, laïcités du CNRS. « Cette communauté pratique la multi-track diplomacy, la diplomatie à niveaux multiples. C’est une approche différente de celle des États. »
Alors que la diplomatie institutionnelle semble avoir épuisé ses outils, Mario Giro croit encore que la paix peut passer par d’autres canaux. « La situation semble totalement bloquée à l’Onu, il est quasiment impossible d’arriver à un consensus entre grandes puissances, mais nous devons poursuivre nos efforts sur le terrain en soutenant les réseaux réels. Les diplomates occidentaux observent d’ailleurs nos actions avec attention », relève-t-il. La politique comme substitut à la guerre, certains y croient encore.
Pour les opposants signataires de cet appel, une intervention militaire étrangère ne ferait qu’aggraver la situation. Leurs déclarations viennent à l’encontre de l’ambiance belliciste qui règne dans certains esprits, notamment occidentaux. « Il n’est pas trop tard pour sauver notre pays ! (...) Il faut refuser la violence et le glissement vers la guerre civile, car elles mettent en danger l’État, l’identité et la souveraineté nationale. » Pas question donc pour ces Syriens d’envisager une intervention étrangère, ni une période sous protectorat, comme pour l’Irak après la chute de Saddam Hussein.
La démarche de Sant’Egidio suscite un réel intérêt à l’intérieur du pays. « La presse arabe s’y est beaucoup intéressée et certaines personnalités en Syrie, comme l’archevêque gréco-catholique d’Alep, Jean-Clément Jeanbart, ont exprimé leur soutien », affirme Mario Giro. En complément de ces discussions, Sant’Egidio mène aussi une démarche humanitaire pour sauver des vies sur le terrain, dans des conditions dangereuses. Un travail d’urgence dont les fruits ne seront récoltés que bien plus tard. « Ces actions n’empêchent pas la guerre, explique en effet François Mabille, mais permettent de maintenir un minimum de lien social. Sur le long terme, elles devraient aider à la reconstruction du pays. »