L'émotion nationale qui s'exprime après la mort de Soeur Emmanuelle a de multiples dimensions. Son combat inlassable aux côtés des plus pauvres suscite un hommage unanimement unanime, at-on envie de dire, puisqu'il s'étend jusqu'à Olivier Besancenot. Nombreux sont ceux qui tiennent à souligner sa franchise sur des « sujets qui fâchent» : la contraception, le célibat des prêtres. Au moins aussi nombreux sont ceux qui rendent hommage à l'amour qu'elle a tou-jours su exprimer pour l'Église. Sa joie de vivre faisait du bien à tous, y compris dans sa dimension - parfaitement assumée - de cabotinage.
Le décès de Soeur Emmanuelle a cependant touché aussi un point particulier de notre mémoire collective. Sans que cela soit vraiment conscient, bien des Français rendent ainsi hommage à la figure d'une religieuse et, audelà d'elle, à toutes les religieuses. Ces femmes à la fois si discrètes et si présentes dans la vie de l'Église, sans y exercer de pouvoir. Si présentes, aussi, dans les réalités sociales les plus délaissées. Andrea Riccardi, fondateur de la communauté de Sant'Egidio, racontait un jour ce que lui avait dit Danielle Mitterrand à propos de son action humanitaire: «Moi, la laïque, je dois témoigner qu'auprès des pauvres les plus oubliés, auprès des malades du sida dans des contrées perdues, j'ai toujours trouvé des religieuses. »
Le paradoxe est que cet hommage s'exprime au moment où, du moins dans nos pays, le nombre de religieuses est en diminution très rapide. D'une certaine façon, c'est leur victoire : par leur esprit d'entreprise dans des domaines comme l'éducation, la santé, l'assistance aux plus démunis, les religieuses ont contribué à ouvrir le champ de la vie sociale à toutes les femmes, sans qu'elles aient à faire le choix de la pauvreté, de la chasteté et de l'obéissance. Ce choix radical, cependant, demeurera. La vie de Soeur Emmanuelle et de bien d'autres religieuses éloignées des projecteurs fera encore naître des vocations de femmes - et d'hommes - pour se mettre à l'écoute de Dieu et au service de l'humanité. Le Requiem pour Soeur Emmanuelle est une promesse de vie.
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